samedi 31 mai 2008

Je ne vous entends pas.

Le badaud imbécile reste béat quand il nous voit dans nos parcs, les royaumes que nous nous sommes adjugés.


– Nous reconnais-tu, misérable individu ? demandai-je à l'un d'entre eux.


– Jeune homme, restez donc correct ! Abandonnez ce ton grossièrement déplaisant. Je suis votre ainé de plusieurs dizaines d'années et je ne saurai tolérer qu'on me traite ainsi.


– Pourfendeur de l'Humanité, je t'ordonne de répondre à ma question ! Nous reconnais-tu, citoyen de l'opprobre ? Excrément de la terre ?


– Ah ! Non, décidément vous n'êtes pas agréable, et encore moins respectable. Vous n'êtes qu'un rescapé d'une certaine époque. Le fils d'un de ces bons-à-rien. Un voyou plus vil que ceux d'avant ! On me l'aurait dit à l'époque, je n'aurais pu le croire. Mais pourtant...


– Ah ! Vieil homme insignifiant, tu n'as pas tort sur tout. Oui je diffère de mes ancêtres spirituels. Lorsque je me contemple dans un miroir, j'aperçois les derniers sursauts d'un peuple décimé et une situation désolée. La vie maudite, que tu bénis tant, m'a tout simplement pris la joie. Observe-moi ! Ne vois-tu pas que je n'ai que le sourire en moins ?


– Mutant, tu es un mutant. Un de ces rêveurs qui pêchent à chaque instant et qui finit par mourir de faim. Un jour tu vomiras ton âme et je rirai de ta mort !


– Ma ruse est telle que je veillerai à la propulser dans une bassine. De la sorte, je n'aurai aucun mal pour la ré ingurgiter. Je me délecterai des résidus putréfié qui m'ont conduit jusqu'à la nuit belle comme une prune mûre. Tu vis dans le verger maudit. Le verger rectiligne qui nourrit toutes les foules et dont l'existence est incompatible avec le sens de l'excès. Je crois à l'excès. Aujourd'hui, je te ferai dire que quelque chose a changé. Demain, tu regarderas les pupilles de mes yeux dilatées et tu sauras que je serai différent. Ce sera l'Après. Ah ! Tu es donc nauséeux avant moi ! Tu vas devoir vomir tes infectes paroles... et les nettoyer, fors si tu as une quelconque forme d'honneur. Monsieur le prudent. Monsieur le grotesque. Monsieur le moribond. Ne me reconnais-tu donc plus ? lui demandai-je une fois de plus en lui attrapant le bras.


– Vous êtes le démon ! L'odieux maître du pentacle, descendu sur terre, et lâchez-moi ! me crie-t-il d'un air apeuré.


– Pesteux, je te prie de ne pas m'insulter. Miséreux, la pitié que tu m'inspires me force à te plaindre. Si tu souffres, tu dois aller chercher le secret le mieux gardé qui soit. Ne vois-tu pas mon porte-voix ? J'appartiens à la dernière génération du rêve ! Celle qui est en voie d'extinction, celle qui est étouffée par les imposteurs Celle qui n'a plus grand’ chose... celle qui sans cesse pense trouver la flamme d'un œil créateur, mais qui obtient de ses expiateurs des douleurs épouvantables qui n'abandonnent jamais le pugilat qu'elles nous imposent... et qui sont toujours présentes. Tu as peur et tu pleures. Je m’ennuie et je pars.



SPLEEN BUCOLIQUE

samedi 10 mai 2008

Jaune orange


Les fruits jaunes colorent le papier de lys,
Sous les yeux affables des passants lunatiques,
Qui, parfois, s’inquiètent de ce parfum d’anis.
Mais, aucun n’en voit les côtés pratiques.

Et les routes crépitent de graviers orange.
On envie l’odeur des gousses de vanille,
Engluant nos esprits d’une saveur étrange,
Et notre corps qui, d’ordinaire, ne vacille.

Les bananes éclatent, fracassent le ciel jaune :
Un tonnerre de fruit et de bus en carton !
Tout est jaune, y compris, donc, la flore et la faune.

Mais tout est orange, pour nos jambes en coton.
On fuit, l'on se réfugie dans ce cher verger,
Orange et jaune, où le temps n’est pas un berger.

SPLEEN BUCOLIQUE

Le ciel murmure.

En notre beau mois de mai, j’aime ne rien faire. J’aime à me faire paresser quand le soleil voilé balaie les regards des plus arrogants. Je suis le seul à pouvoir contempler le disque solaire, droit dans les yeux. Il ne me blessera pas, il ne me brûlera pas, car je crois en lui, car il me protège.

Et les pelouses sont vertes mais mal taillées. On s’y vautre, l’esprit vagabond, le corps courbaturé par les efforts des jours précédents, et l’on se dit que certaines combustions valent plus que d’autres dans des moments pareils. Les arbres indiscrets, qui parfois nous privent des éclats de lumière du soleil, nous admirent de toute leur hauteur. Ils forment le bras armé de la Terre contre les gaz nauséeux et nous les supportons en pensant parfois que nous sommes des menteurs.

Je regarde passer les carrosses en observant les beaux cheveux poudrés et les robes excentriques qu’ils renferment. Sur leur passage, dans un formidable élan de lucidité, tous les magnolias de la haie leur envoient quelques unes de leurs nombreuses fleurs, de telle façon que l’on comprend que la nature salue toujours la beauté lorsqu’elle se manifeste sous la forme humaine. Les dames rient de cet instant qui, de par son étrangeté, me glace et le sang et les yeux.

La maison des papillons a été détruite. Et les libellules s'enfuient par crainte du temps - qui était si suave et bénéfique dans l'ancienne mesure - maudissant tout ce qui a le bonheur d'être charmant et gracieux. Elles ne marivaudent plus de tiges de jonc en tiges de jonc sur les rives des mares et des étangs, comme les papillons ne papillonnent plus de tulipes en tulipes dans les vertes prairies. Et je vois une sphère... survolée par une mésange multicolore ! Elle fait son nid sur une dalle de carrelage froide comme la banquise. Les œufs n'éclosent pas. Et l'on se souviendra de ce qui n'existe plus.

Les bouteilles de verre me semblent être d'acier. Elles me frappent, telles des gourdins en furie cherchant inlassablement à punir l'innocence incarnée que je suis. On me hue de tous les côtés. Mais qu'est-ce que cela que peut me foutre ? Elle, elle ne me voit pas. Et je me perds dans des songes qui n'ont plus rien de leur nature originelle. Peu importe. C'est ainsi. Je m'évanouie, dans des vapeurs alcoolisées qui me rappellent tout et qui ne me rappellent rien. Ma conscience se joue de moi, entre en transe et m'abandonne à mon sort. Je suis épuisé, et je suis ivre.

Les chants des hiboux me réveillent doucement. Le son qui s'échappe de leur bec est melliflu, et je l'écoute comme vous écoutez le chant des oiseaux de bon matin. Le ciel est couvert de nuages aux reflets mordorés, des nuages, qui parfois, laissent apparaitre le rayonnement du soleil.



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