mercredi 30 décembre 2009

La fumée séraphique de Charleroi

Par une de ces blondes soirées d'été,
Le jour avait laissé place à l'obscurité,
Et la Lune nous embrasait de sa lumière.

Amusé, je m'étonnai sur ces gazelles,
Belles comme des cygnes frétillant des ailes ;
Ghazel chaude d'opale comme une chaumière.

Le silence de la nuit fut Auguste... « Il ment ! »
Oh si ! C'est bien le mot parfait assurément.
D'une latte de fumée j'étais vaincu.

Puis, étalé dans cette herbe à l'aspect étrange,
Une amie m'entraînait vers cette vieille grange.
Qui avait survécu à ce terne vécu.

Soudain, je vis que je n'étais plus un roi.
Et songeant, je ne sais pourquoi, à Charleroi,
J'avais en souvenir mes manières galantes

Plus fermes que le glas de la chouannerie,
Ou que des hallucinations ensorcelantes,
J'errais dans le brouillard d'une rêverie.
NUWANDA

dimanche 15 novembre 2009

Scène

Je me souviens souvent de ces soleils couchants,
Promenant sur leurs ombres des éclats tranchants.

Le pauvre mas au toit de tuiles safranées
Épouse des saules les cimes basanées.
Obstiné, je hantais ce paysage insane,
En rêvant de me métamorphoser en âne...
Le vieillard coupe enfin les tulipes fanées.

Je me souvient souvent de ces soleils couchants,
Des grillons, des cigales, et l'éclat de leurs chants !

L'herbe verte et profonde semblait être un tapis.
Chaque pas excitait tous mes sens – Ah tant pis ! –,
Ils étaient des avalanches de perception.
Les rameaux des saules flattaient les nénuphars
Fleuris dans des eaux embellies par des nectars
Bus des libellules avec une déception
Quand une carpe affamée frôlait les roseaux...
L'âne buvait dans la mare avec les oiseaux.

Je n'oublierais jamais tous ces soleils couchants,
Leur lumière, les coquelicots et les champs.

Sur le rocher, le pêcheur patiente et dénoue
Ses lacets qui le torture comme la roue.
Sa ligne est statique, il somnole, il n'est pas doué
Et il effraye ses proies par son timbre enroué.
Las, il quitte cette scène, pour lui trop floue.
NUWANDA

jeudi 24 septembre 2009

Théâtre d'un autre monde, opus III : l'élève occulte et son maître hypothétique.

CARL - Bonsoir, ténèbres mes vieilles amies. Je suis venu discuter, encore une fois, avec vous.
LA MORT - Tu me sais toujours disposée à t'écouter. Tu sais également que tu peux me rejoindre définitivement quand tu le veux.
CARL - Oui...
LE MAUVAIS ESPRIT - Eh ! Vous me savez loin de ceux qui pensent que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, n'est ce pas ?
Il regarde la Mort.
Néanmoins, je crois qu'il n'est pas tout à fait encore temps pour notre ami de nous rejoindre.
CARL - Vous croyez ?
LE MAUVAIS ESPRIT - Certes.
LA MORT - Soit. Mais encore ? Il ne vous connait pas aussi bien que moi.
LE MAUVAIS ESPRIT - J'estime que si tout est perdu pour la plupart de ceux qui vivent ici-bas, nous pouvons encore en sauver quelques-uns par l'intermédiaire de notre ami Carl. Son esprit pénétrant et transcendant a une puissance de persuasion que je n'ai jamais vu chez nul autre que moi.
La mort arbore un sourire goguenard.
Que signifie ce sourire ? Insinues-tu que je mens ?
LA MORT - En aucun cas, ce sourire tendait plutôt vers une certaine satisfaction dilettante.
LE MAUVAIS ESPRIT, méfiant - Soit...
CARL, sec - En ce qui me concerne, s'il vous plait ?
LE MAUVAIS ESPRIT - Oh j'aime cela ! C'était beau, c'était parfait !
CARL, interloqué - Quoi ?
LE MAUVAIS ESPRIT - Cette impatience caractéristique des grandes âmes. Je vois que mon enseignement ne s'est pas montré vain. Tout y était : le ton tranchant, le verbe incandescent et l'exquise politesse. Je suis à n'en pas douter un professeur doué d'une excellence magistrale. Je suis le meilleur.
CARL - Peut-être bien, mais votre démonstration d'orgueil ne m'aidera pas beaucoup pour la tâche dont vous m'avez investi.
LE MAUVAIS ESPRIT, effaré - Comment ?
LA MORT, narquoise - C'est à croire que le "meilleur professeur" a un élève réfractaire à ses idées !
CARL - Les hommes détestent l'orgueil ; je crains donc que ce ne soit pas une arme qui me soit fort utile.
LE MAUVAIS ESPRIT - Seuls les hommes les plus faibles méprisent l'orgueil. Ces âmes damnées ne nous intéressent pas. Non, ils sont mauvais goût et dès lors déjà gâté. Tu ne te concentreras que sur ceux que tu pourras sauver de l'opprobre.
CARL, angoissé - Mais comment puis-je les reconnaître ?
LE MAUVAIS ESPRIT - Si tu en as déjà sauvé inconsciemment, tu dois faire confiance en ton instinct.
Carl s'arrache les cheveux.
CARL - Mais je ne sais même pas si j'en ai sauvé !
LA MORT - Nous te l'affirmons.
CARL, découragé, tremblant - Mais je ne sais pas non plus comment j'ai fait !
LA MORT - Ce devait être un automatisme...
LE MAUVAIS ESPRIT, fixant Carl - Par mon âme ! Le temps s'est soudainement accéléré et je ne l'avais pas prévu. Étrange. Je sens un très bon état d'esprit en toi. Le désespoir, l'accablement, la détresse, l'incertitude, la souffrance... Ce sont les bases suprêmes d'un esprit supérieur. Oui, tu es apte à terrasser tous tes ennemis et à fuir enfin cet univers trop petit pour ton esprit trop vaste. Il te faut condamner à jamais ces plaisirs insignifiants des breuvages et des aliments. Il est temps pour toi de nous rejoindre en traversant le fleuve tragique et dangereux qui nous sépare pour nous rejoindre, avec tes apôtres, sur notre rive où tu jouiras d'une existence éternelle et sans contrainte, sans les parasites des joies et des misères de la terre. Tu ne seras plus un homme, tu seras bien plus. Ton esprit insatiable de puissance et de prépondérance le requiert. Non, il l'exige ! Et maintenant, nage.
CARL, apaisé, les yeux clos - Oui, Maître.
Il s'effondre dans un bruit sourd.
LA MORT, réprimant un éclat de rire - Voilà, c'est fini !
LE MAUVAIS ESPRIT, un rictus sur son visage blafard - Ma chère, se peut-il qu'il se souvienne qu'il est mon créateur ?

GAVROCHE

mercredi 23 septembre 2009

L'hôpital fictif des anges et des démons.

La file d'attente de l'hôpital
S'allongeait sur huit kilomètres.
Mon bras déchiré sur deux mètres
Plombait ce silence vital.

C'est un sang que nous blasphémons.
Tous morts, tous perdus.
Tous morts, tous perdus.
Anges ou démons ?

Seul dans l'allée de l'hôpital,
Je voyais des blessés, brûlés,
Gâteux, presque-morts, mutilés.
J'en avais un dégoût brutal.

Mais mon bras n'avait presque rien.
Les vieux déambulaient, hagards,
Plein de pisse et de gerbe, blafards.
Moi ? J'étais bien, je n'avais rien.

C'est un sang que nous blasphémons.
Tous morts, tous perdus.
Tous mort, tous perdus.
Pour de bonnes raisons.

Gris de mépris, vide d'envie,
J'exécrais leurs corps squelettiques
Et leurs mines cadavériques,
Bientôt délaissées par la vie.

C'est un sang que nous blasphémons.
Tous morts, tous pendus.
Tous morts, tous pendus.
Anges ou démons ?

C'est un sang que nous blasphémons.
Tous morts, tous perdus.
Tous morts, tous perdus.
Anges et démons.
NUWANDA

vendredi 28 août 2009

Et je marchais.

Je restais quelques heures à l'observer d'un regard passionné, l'âme transportée par le fleuve de l'ivresse amoureuse.
Et je marchais.
Mes yeux fuyaient les siens lorsque, distraitement, elles daignaient les poser sur ma faible et navrante personne.
Et je marchais.
Ô pitié ! Elle m'a aveuglé et brûlé dans un geste qui touche la perfection. Je souffre de cette cicatrice qui ne s'apaisera jamais.
Mais je marchais.
À travers les forces de l'esprit, je l'appelais, je l'implorais, je lui hurlais la grandeur de mes sentiments. En vain.
Et je marchais.
Croyez moi : j'ai fait de mon mieux malgré le puissant ressac d'une volonté autrefois plus que rétive.
Et je marchais.
Mais si elle avait pu voir sa beauté éclatante que je ne pourrai jamais décrire, m'aurait-elle traité de la sorte ?
Je marchais encore.
Je passai devant elle, tête basse, d'un pas décidé, me promettant de ne pas la regarder. Promesse non tenue.
Et je marchais toujours.
Elle s'est tournée de son côté, me présentant sa nuque, son dos... Une consolation tout de même pour quelqu'un qui l'aime.
GAVROCHE

vendredi 7 août 2009

Interview de Jack Kerouac en français (québecois), 1967.



N.B : Certains termes pouvant paraître choquant de nos jours n'avaient pas leur connotation actuelle à l'époque.

mardi 30 juin 2009

Théâtre d'un autre monde, opus II : Triangle séraphique dans un bois.

Mara, Oria et Iria, seules dans un bois lugubre.
IRIA - Je ne comprends pas pourquoi tu nous as emmenées ici, Oria. Quel cliché ! C'est ridicule. Trois femmes seules dans un bois en pleine nuit.
ORIA - Je sais que ce n'est pas original. Mais est-ce bien grave ?
IRIA - C'est très grave.
ORIA - Très grave ?
IRIA - Excessivement grave. Nous ne sommes pas tout à fait humaines, nous ne pouvons donc pas nous comporter en tant que telles. Nous devons être d'un niveau bien supérieur, ne pas nous frotter à cette espèce sous développée. Nous risquerions d'en prendre les tares.
ORIA - Tu es profondément injuste. Les pauvres ! Ils font ce qu'ils peuvent.
IRIA - Ce qu'ils peuvent pour être stupide.
Oria fait la moue et lève les yeux au ciel.
ORIA - Je serais heureuse de savoir ce que notre chère sœur pense de tout cela.
MARA - Moi ?
IRIA - Oui, toi.
MARA - Je crois que nous ne devons pas nous immiscer dans leur vie. Nous devons nous contenter de les observer.
IRIA - C'est à peu près ce que je pense.
ORIA - Non, pas tout à fait : tu refuses systématiquement de les observer.
IRIA - Ce n'est tout de même pas ma faute s'ils sont inintéressants et grotesques ! Je ne les aime pas.
ORIA - Souviens toi de cette homme promenant son fils dans un parc, jouant avec lui, lui apprenant la vie en quelque sorte... N'était-ce pas divin ?
IRIA - Quoi ? Tu voudrais que cela me touche, que cela m'affecte ? Mais cela me répugne. C'est le standard de la plus plate des platitudes, une ambition bassement terrestre qui insulte la Nature, unique créatrice de toutes les créatures, et qui esquive peut-être délibérément le potentiel qu'elle possède. L'Homme que nous observons se limite à la raison et la science, croyant qu'elles sont les bornes de son savoir, et saupoudre le tout de quelques religions contre-nature qui d'un trait de plume rayent l'existence de ses ancêtres les plus anciens. Il oublie qu'il a un esprit. Pour tout cela, je le méprise.
ORIA - Ce que tu dis est sévère mais juste... Nous pourrions cependant lui indiquer le bon chemin.
IRIA - Jamais !
MARA - Iria a raison. Il doit le découvrir seul.
ORIA - Et s'il n'y parvient pas ?
IRIA - Alors, comme je le pense, cela signifiera qu'il n'en n'est pas digne.
MARA - L'évolution, à travers le temps, fera les choses correctement.
Oria tape du pieds.
ORIA - C'est trop bête : nous pourrions, dès à présent, lui donner plus de puissance.
MARA - En a-t-il vraiment besoin ?
IRIA - Incontestablement. L'Homme est une faible créature.
ORIA - Je suis heureuse de constater que nous sommes au moins d'accord sur ce point.
IRIA - Mais moi vivante...
Ses deux sœurs sourient.
IRIA - C'est une façon de parler... Je ne vous laisserai jamais l'aider. Pas tant que son comportement sera aussi haïssable.
MARA - Nous devons de toute façon prendre cette décision en commun.
ORIA - Iria, pense que c'est peut-être parce que nous ne lui éclairons pas le chemin que l'Homme a un aussi piètre comportement.
IRIA - Comment expliques-tu qu'une faible minorité ait malgré tout un comportement à peu près acceptable ? N'est-ce pas la preuve que l'Homme dans son ensemble est une créature mineure à laquelle nul ne devrait s'intéresser ? Il est plus intéressant d'observer une fourmilière. Les fourmis, elles, sont courageuses.
ORIA - C'est minimaliste. L'Homme peut aussi être courageaux, non ? Lorsqu'il entreprend des voyages spatiaux, il prend des risques énormes.
Iria éclate de rire.
IRIA - Quelques dizaines sur plus de six milliards ! Quel exploit !
MARA - D'une manière générale, l'Homme est en effet plutôt lâche.
ORIA - Il l'était moins avant de se constituer en société.
IRIA - Exactement ! Voilà notre second point d'accord. Lorsque les ancêtres de l'Homme ont parcouru de gigantesques distances en laissant nombre d'entre eux derrière eux, ils avaient du courage. Ils étaient solidaires. Je m'en souviens encore. La société a désormais fait de l'Homme une bête vil, stupide, cruelle, égoïste, cupide et lâche. Ce qui aurait dû être la plus belle créature de la Nature est devenu un monstre. Assemblé en masse, c'est du bétail incontrôlable.
ORIA - Attendons encore un moment...
Iria l'interrompt.
IRIA - Non, c'en est assez. Nous n'avons plus rien à faire ici. Nous reviendrons un jour, si un jour ils sont enfin sur le bon chemin.
Oria essuie une larme.
ORIA - C'est trop triste. Ces enfants encore innocents que l'on pourrait sauver...
IRIA - Deviendront des bêtes féroces comme leurs parents d'ici peu. Partons maintenant.
MARA - Soit, partons.
ORIA - J'y consens mais cela me déplait !
Iria prend sa sœur par la taille et l'entraîne doucement.
IRIA - Ma pauvre chérie au si grand cœur... Un jour tu finiras par m'émouvoir.
MARA - Ce qui me manquera, ce sont ces bois, la nuit, que l'on fréquente en discutant.
Elles disparaissent, se tenant par la main, dans un ordre certain.

GAVROCHE

samedi 30 mai 2009

La chronique des condamnés, 7 août 1979, Paris : Impitoyable

Témoignage d'un individu de sexe féminin.
Ma chérie d'amour,

Cette journée que nous avons passé ensembles, à marcher sur les quais de la Seine m'est désormais inoubliable. Tu hantes mes pensées et chaque molécule qui compose mon corps. Inoubliable, c'est le mot car j'ai passé, à tes côtés, la plus belle journée de ma putain de nom de dieu de vie. J'ai constamment l'impression de sentir ton parfum dans l'air, de caresser ta peau plus douce que la soie ou la peau de pêche, de voir ton reflet dans des miroirs qui n'existent pas, d'entendre ta voix suave et mélodieuse dans le silence absolu... Par je ne sais quelle magie de ta connaissance, tu as mis à mal la fiabilité de mes sens. Tu me rends aveugle, sourd et muet. Muet, oui car si je peux parler, c'est uniquement de toi et de peur de ne pas entendre ce que je veux entendre, je n'ose le faire.
Parle moi. Accepte moi ou renie moi, mais ne me laisse pas sans réponse. Ce serait me condamner à une vie abominable, ce que, j'en suis persuadé, tu ne souhaites en aucun cas.

Louis.

Ah ah ! Louis, sombre crétin, pauvre imbécile qui a cru m'écrire une belle lettre d'amour et qui espère en recevoir une de la même facture ! Il s'est imaginé que je lui ferai l'honneur d'apporter une réponse à sa misérable lettre qui, d'ailleurs, reflète parfaitement le caractère de son auteur : insignifiant, naïf, banal. Louis est de ces individus qui n'ont aucune utilité, avec le suprême désavantage sur tous les autres d'être déficient intellectuel. Évidemment, je ne lui répondrai pas. Oh ! Son comportement est encore plus jouissif que je ne l'espérais. M'avouant de son propre chef qu'aucune réponse lui rendrait la vie insupportable, c'est trop tentant pour ne pas être tenter ! J'aurai bien du plaisir à me dire, chaque jour qu'il me sera donné d'illuminer le monde de ma présence, qu'un homme souffre le martyr grâce à moi et surtout à mon charme envoûtant. Enfin... peut-être daignerai-je y penser quelques jours encore, mais je ne prendrai pas la peine éternelle de focaliser, ne serait ce qu'une seconde, mon attention sur une telle aberration de la nature. Il a en plus l'ultime orgueil de prétendre connaître mes intentions. Non, je ne lui répondrai pas. Il vivra cette vie « abominable » qui semble tant l'effrayer. Je détruirai ainsi son coeur, de sorte qu'il n'aimera jamais plus personne et que l'amour lui sera désormais étranger jusqu'à sa mort que je souhaite tardive, pour que son malheur, son chagrin, sa détresse, sa souffrance dure le plus longtemps possible. Il n'aura ainsi plus l'audace de dire que « la vie est belle », la sublime preuve du contraire éclatant sous ses yeux.
Je veux qu'à chacune de ses rencontres avec un miroir, il voit l'être méprisable qu'il a toujours été. Je veux que son désespoir puisse se lire sur son visage, je veux qu'il y soit graver ! Je veux le savoir s'effondrer dans les lugubres entrailles de la douleur. Que son foie soit quotidiennement et éternellement rongé comme celui de Prométhée ! Que sa vie soit le pire des calvaires, qu'il emprunte le chemin qui mène de la tristesse à la morte lente et pénible. Que chacune des minutes qu'il vivra soit celles de la désolation. J'espère même qu'il en viendra à mentir à son propre esprit car c'est là le signe de la dégénérescence d'un homme et de la putréfaction de ses facultés. Je souhaite qu'il n'ait pas plus d'âme qu'en on les ectoplasmes. Je veux le traîner dans une vie décomposée, plus vaine que le néant. Je veux le voir se roidir, s'ancrer dans l'indigence et la pouillerie avant de sombrer dans une implacable perdition. Excrément de la terre, qu'il soit son propre bourreau ! Le mot est dit. Qu'il ne sois plus rien.
Et quand il ne m'intéressera plus de le voir se perdre, il me faudra recommencer avec un autre de ses pairs. Qu'il en soit ainsi pour tous ceux qui ont la tête dans le coeur ! Du sang sur mon seuil ? Je m'enorgueillis, je m'en vante et je me nourris de l'esprit à qui il appartenait. Que l'on me donne tous les moyens pour cette quête que je mène, juste pour le plaisir.

GAVROCHE

vendredi 29 mai 2009

Correspondance codée : George Sand - Alfred de Musset

Lettre de George Sand à Alfred de Musset :

Je suis très émue de vous dire que j'ai
bien compris l'autre soir que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
là une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à vous montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir aussi
vous dévoiler sans artifice mon âme
toute nue, venez me faire une visite.
Nous causerons en amis, franchement.
Je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l'affection
la plus profonde comme la plus étroite
en amitié, en un mot la meilleure preuve
dont vous puissiez rêver, puisque votre
âme est libre. Pensez que la solitude où j'ha-
bite est bien longue, bien dure et souvent
difficile. Ainsi en y songeant j'ai l'âme
grosse. Accourrez donc vite et venez me la
faire oublier par l'amour où je veux me
mettre.

Réponse d'Alfred de Musset à George Sand :

Quand je mets à vos pieds un éternel hommage
Voulez-vous qu'un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d'un coeur
Que pour vous adorer forma le Créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n'ose dire.
Avec soin, de mes vers lisez les premiers mots
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.

Réponse de George Sand à Alfred de Musset :

Cette insigne faveur que votre coeur réclame
Nuit à ma renommée et répugne mon âme.

mardi 28 avril 2009

Le Phare

J'aime ces arômes présents dans la soirée,
L'emprise qu'ils ont sur ma personne m'effraie,
Comme un agneau captif des serres d'une orfraie.
Mais la peur est nulle quand ce n'est que la flore,
Que je vois éclore...

Des promenades dans nos vallées, le Béni,
- Cette chose miteuse au visage terni -
Épargne le lieder au doux ris infini,
Un havre de paix que nous côtoyons enfin,
Doux comme un couffin.

En montagne, les gaves étroits règnent sans partage,
Tandis qu'en plaine, la nature et le grand sage,
Et autres, n'ont vu qu'un fleuve depuis tout âge,
Perpétuel sourire goguenard... Fou ? Fou !
Coup de grisou mou.

Alors apparait cette vie de cimetière ;
Ses fils, pyromanes, sont des tas de litière.
Esprits nocturnes, ôtez moi de la termitière,
Moi, désespéré par cette époque barbare,
Cet Immortel Phare !
GAVROCHE

jeudi 16 avril 2009

Le manoir de Lucas et son amour platonique.

Durant toute sa jeunesse, qu'il avait d'ailleurs trouvé bien longue, Lucas avait rêvé d'un manoir ou d'une luxueuse demeure de type second empire. Il ne réalisa jamais son rêve.

Au fond, c'était pourtant un brave garçon que la vie avait méticuleusement couvé. Elle lui avait épargné toutes les souffrances qu'un garçon de son époque aurait pu endurer. Peut-être ne savait-il même pas ce qu'était la douleur. Il avait eu de bons amis qui lui sont restés fidèles, et bien entendu une famille qui lui a légué une réputation, ou tout au moins un nom. Aussi est-il permis de dire que c'était là un garçon fortuné. C'est d'ailleurs bien simple, tout son entourage chantait ses louanges.

Sa santé était des meilleurs ! Bien sûr, il a probablement été malade quelques fois... mais c'est à relativiser quand on sait combien la jeunesse est fragile... L'a-t-on seulement entendu tousser une fois ? Oui, comme tout le monde, il a bien dû avaler quelque chose de travers.

Son intelligence était exceptionnelle. "Élève très intelligent", "Ira loin"... il avait eu toutes ces appréciations de nombreuses fois sur ses bulletins scolaires. Nul n'osait remettre en question sa culture générale. Il avait, dans ce domaine, démontré maintes et maintes fois sa nette supériorité. En outre, il avait en plus la chance d'être un peintre talentueux. Ces toiles étaient reconnus par la communauté artistique, si bien qu'il en avait déjà vendu quelques unes. Le fameux manoir dont il rêvait devenait chaque jour de plus en plus réaliste.

Mais alors ? Quoi ? Ce diable d'homme n'avait-il donc aucun défaut ? Allait-il parvenir à réaliser son rêve sans rencontrer de difficulté ? Était-il de ses hommes, bourrés de qualités qui rendent jaloux tous leur comparses. Certains l'aiment chaud : le pseudo millionnaire flegmatique prononce le célèbre "Personne n'est parfait". C'est vrai. Même un héros légendaire comme Achille ne l'était pas, son honorable mère n'ayant pas eu la bonne idée de le plonger entièrement dans le Styx. Lucas avait donc un défaut.

La passion. Il était de ces hommes qui font ou qui ne font pas mais qui lorsqu'ils font font tout avec passion. Peut-on parler là de défaut ? Ou de qualité ? C'est à voir. En tout cas, c'est un trait majeur dans un caractère ; combiné à l'amour cela devenait une chose. Quelle chose ? Quelque chose de puissant, une sorte de force que l'on possède mais que l'on ne contrôle pas. Une horreur, en somme. Naïvement, il se croyait à l'abri des sentiments amoureux. Quel pauvre con. Évidemment, il fallut qu'un jour, où il griffonnait sur un carnet un croquis du manoir de ses rêves dans un jardin public, une femme de son âge passe devant lui et soit assez audacieuse pour s'intéresser à ses dessins. Ils se sont vus et revus. Elle lui a dit qu'elle l'aimait. Lucas lui a répondu que c'était un sentiment réciproque. Cette homme et cette femme se sont donc aimés. Amour platonique seulement. En effet, ils partagèrent pendant un moment un amour en dehors de toute sensualité, atypique, excluant tout contact physique.

Il y avait eu un malentendu entre eux. Elle aussi avait un rêve et ce rêve était justement un amour platonique. Cet amour avait pour elle une valeur artistique. Lucas, lui, ne partageait pas les théories du grand philosophe antique. Il voulait un amour simple. De cette divergence a progressivement découlé le conflit et la rupture. Mais encore ? C'est arrivé à tout le monde ou presque. Mais quoi ? "Je te hais." Trois mots qui, rassemblés forment un trident qui arrachent le coeur.

Lucas se souvenait de quelques moment. Elle le regardait peindre, sans parler. Il aimait cela. Il la voyait pencher sa tête, d'un geste mièvre, sûrement pour mieux percevoir le sens de la toile. C'était sûrement un tic. Il se rappelait les moments durant lesquels ils échangeaient leur vision du monde, en le refaisant. Il se souvenait de tout. Sa mémoire excellente était une de ses autres qualités, qui peut aussi ne pas en être une. C'était cela son talon d'Achille. Sa mémoire. Il se souvenait de tout et cela le rongeait. D'autant plus lorsque la femme qu'il aimait et qui l'avait aimé venait de lui avouer qu'elle le haïssait. Dix-huit ans ! Plus de bocks, plus de limonade, plus de cafés tapageurs... Dix-huit ans. Il faisait le bilan de sa dix-septième année, et finissait par la qualifier de météorique.

Il se le jurait, il aurait dix-huit ans dans douze heures. Il les fêterait dans une cour intérieure, en compagnie d'une corde pour briser son rêve, à supposer qu'il soit assez courageux pour assumer sa lâcheté.

GAVROCHE

vendredi 20 mars 2009

Théâtre d'un autre monde, opus I : Le rêve occasionel de George et Lolita.

GEORGE - Bonsoir, obscurité ma vieille amie. Je suis venu discuter encore une fois avec toi.
LOLITA - Bonsoir, ô ténébreux qui m'enivre déjà.
GEORGE - L'autre fois... l'autre fois signifie que l'on s'apprête à parler d'un jour ou d'un moment pendant lequel un évènement notable s'est produit. Sauf dans le cas présent. L'autre fois donc, je sentais en moi une sorte de fluide qui semblait m'indiquer... m'indiquer quoi déjà ?
LOLITA - Tu es un sot, mais tu as de la mémoire. Je vais frapper trois fois dans mes mains et tu vas te souvenir.
GEORGE - Bien chérie.
Lolita s'exécute.
Oh ! Je me souviens à présent. Tes dons sont formidables !
LOLITA - Souviens toi maintenant.
GEORGE - J'ai senti en moi comme un fluide brûlant ou glaçant, je ne sais plus. Plutôt brûlant... Non, j'ai un doute. Ces deux sensations extrêmes se ressemblent tellement ! Brûlant ou glaçant ? Je ne sais pas.
LOLITA – Bah... il faut que tu le saches.
George sort une pièce.
GEORGE - La pièce va décider pour moi. Face, c'était brûlant, pile c'était glaçant.
Il lance la pièce.
C'était donc glaçant. Le hasard fait bien les choses, c'est un excellent meneur d'homme. Le fluide en question était donc glaçant au point que j'en avais presque la chair de poule...
LOLITA - Non ?
GEORGE - Si !
LOLITA - C'est extraordinaire ! Mon intérêt pour ton histoire redouble !
GEORGE - J'en suis tout honoré.
Il ricane bêtement une dizaine de secondes.
Le fluide donc...
LOLITA - Oui, le fluide.
GEORGE - Il était brûlant ! Euh... non, glaçant. Mais tu le sais déjà... Il m'a fait sentir une force, une puissance même à travers les mots que je choisissais pour former mes phrases. C'était formidable ! J'avais l'étrange impression de les voir sortir de ma bouche et percuter chaque recoin de la pièce.
LOLITA - C'était sûrement le ressac d'un chagrin contrit.
GEORGE - C'est exactement ce que je m'apprêtais à dire. Les mots lévitaient donc...
Lolita l'interrompt.
LOLITA - De quelle couleur étaient-ils ?
GEORGE - Mais leur couleur allait du mauve au bleu foncé. Ils frappaient les murs de la pièce et revenaient en son centre pour flotter d'une manière singulière juste au dessus de ma tête. C'était risible. Et soudain... et soudain !
LOLITA - Oui ! Et soudain ?!
GEORGE - Je me suis temporairement senti supérieur à l'Humanité dans son ensemble.
Lolita paraît déçu.
Oui bon, d'accord ce n'est pas aussi extraordinaire que le reste, mais il fallait quand même que je le note. J'étais dans un drôle d'état de lévitation. Je saluais les autres en faisant de grands coucous avec la main. J'étais si haut qu'à force de me regarder, ils avaient mal aux cervicales.
LOLITA – Les pauvres amis.
GEORGE – Non ne les plains pas. Vus de si haut, quelles têtes méprisables ils avaient. Je suis certain qu'ils étaient complètement fous. J'aurais dû appeler le service psychiatrique le plus proche. Mais je suis parfois un peu irresponsable... Bref. Je me demandais d'où venait cette puissance. Puis à force de réfléchir, j'ai fini par en conclure que les dieux me l'avaient envoyée pour un certain temps.
LOLITA – Ils s'étaient sûrement trompés d'adresse.
GEORGE – Non, j'ai vérifié. Je ne voulais pas m'adjuger les affaires personnelles de quelqu'un d'autre.
LOLITA – Quelle était l'adresse indiquée ?
GEORGE – A Goerge.
LOLITA – Goerge ? Ce n'est pas ton nom.
GEORGE – Non, mais j'ai pensé qu'ils avaient fait une faute de frappe et qu'il n'avait pas envie de rectifier. Ca arrive... Cette puissance donc...
Elle lui coupe encore la parole.
LOLITA – Quel goût avait-elle ?
GEORGE – Oh misère ! Salée, elle était plus salée que tout le bassin méditerranéen. Heureusement que je n'ai pas dû la boire. Elle est entrée en moi je ne sais comment. Ce qui était dommage, c'est que je ne pouvais pas la contrôler... A-t-on vu plus stupide situation qu'une toute-puissance incontrôlable ?
LOLITA – Non.
GEORGE – En définitive, je ne savais plus si j'étais un loup, un aigle ou un ours.
LOLITA – Putain... ça devait être tragique !
GEORGE – Mouais... il y avait un peu de cela. Comment savoir quand on ne sait pas ? Cela demande beaucoup d'efforts. J'ai finalement choisi d'être un rat musqué.
LOLITA - Pourquoi musqué ?
GEORGE – Parce-qu'il y avait déjà un surmulot dans la pièce, le rat musqué étant plus gros que le surmulot. J'avais le sentiment soudain que mes capacités intellectuelles étaient décuplées. Je m'avançais sur des terres encore inexplorées. J'avais même un esprit de type conquérant sur mes propres parcelles. Il manquait juste un peu de lumière pour que la sensation soit agréablement parfaite.
LOLITA – C'est malheureux, on passe trop souvent à côté de la perfection à cause d'un petit détail qu'on est souvent incapable d'identifier. Cela me rend triste, mais je n'arrive pas à pleurer.
GEORGE – Eh bien c'est que tu n'es pas encore assez triste.
LOLITA – Si, je suis très triste.
GEORGE – Alors ce sont les larmes qu'il te manque pour être parfaite.
Lolita, vexée, s'en va.
Chérie, attends ! Il reste encore de l'omelette, et puis j'avais fait un cake...

SPLEEN BUCOLIQUE

jeudi 12 février 2009

Va te faire foutre : hommage excessif.

— Eh mec, c'est quoi cette coupe de con ? T'es minable avec cette crête...
— Va te faire foutre.

— Tu sais que t'as vraiment l'air d'un clochard avec tes frocs déchirées ? Ou bien d'une vache... à cause de tes anneaux.
— Va te faire foutre, mec... je vais perdre patience.

— Eh mec...
— Va te faire foutre putain de connard de merde ! Tu me pètes les burnes avec tes conneries ! Tu veux vraiment que je te les fasses bouffer ?
— Eh mec... doucement.

Le téléphone sonne en pleine nuit dans un appartement d'une petite rue de Manchester.

— Allo Lizzy, c'est moi...
— Cool Steve, c'est bon de te parler à cette heure là.
— Merde Lizzy. Arrête avec tes conneries de Hippie à la con. Va te faire foutre. Putain tu te rends compte que je te réveille à 4h00 du mat' et que tu t'en réjouies presque. Putain mais t'es conne ou quoi, réveille toi ! C'est fini toutes ces conneries, les temps ont changé !
— Je suis désolée Steve...
— T'es folle ma pauvre fille... mais je peux pas t'en vouloir. C'est pas de ta faute. Je sais pas quoi faire Lizzy. Je me sens pourri de l'intérieur, j'ai l'impression d'avoir de la merde à la place du cerveau. Je sais d'où ça vient évidemment. Alcool, coke, héro... tout ça me latte la tronche à longueur de journée. Mais je peux pas arrêter, je leur dois tout !
— Mais non, tu ne dois rien à personne.
— Lizzy, t'es à côté de la plaque, tu ne comprends rien. Va te faire foutre.
— Steve ?

Steve a raccroché. Steve parle à un pote dans une rue paumée de la ville noire. Steve s'emmerde.

— Steve, va te faire foutre ! T'as oublié qui tu es ou quoi ? Tu doutes de ces conneries... mais t'es une connerie toi même. T'es de la merde humaine, comme nous tous. Tu sens le purain, t'as une gueule de con, bref tu ressembles à rien. On est tous des bouses. Pauvre con va, t'es de la même matière que nous.
— Je sais, je sais... mais ça me fait chier. Je ne comprends plus rien, je suis détruit de l'intérieur. Y'a plus rien qui répond là haut.
— Y'a rien à comprendre, à part que t'es un connard au dessus des autres. La crème des merdes dans la benne à ordure. Ah chiotte, c'est complètement con mais c'est comme ça.
— Putain j'en ai ras le cul de me faire insulter dans la rue.
— Tabasses les.
— Je pensais qu'on avait raison, qu'on était l'élite du pays.
— On est l'élite des rats puants. On grouille de puces. Des puces qui répandront la peste dans toute la société. Va te faire foutre ! Oh ouais, merde ! Ca fait du bien de le dire, va te faire foutre !

Steve parle à Lizzy.

— Steve, t'as pas été gentil avec moi hier soir. On ne raccroche pas comme ça.
— Va te faire foutre Lizzy. Tout m'emmerde. Putain ! Milles décharges m'ont lacéré le cerveau. Il faut que je fasse quelque chose, mais j'ai la trouille. J'ai vraiment la trouille.
— Peut-être que tu as la trouille parce que tu ne sais pas quoi faire. C'est ça ? Tu ne sais pas quoi faire.
— Si.
— Non Steve. Tu es trop vieux pour perdre ça, trop jeune pour choisir ça.

GAVROCHE

lundi 26 janvier 2009

La chronique des condamnés, 706 Ad Urbe condita, Rome : Aulus Cornelius parle.

Témoignage d'un individu de sexe masculin.

Si, soudainement, la Liberté se matérialisait sous la forme d'un arbre, elle serait un saule pleureur... aux branches sèches et friables, comme tous végétaux ayant subi un méchant coup de gel à l'avènement d'un printemps fallacieux.
Patriciens et plébéiens, votre condition n'y fera rien, votre sort sera le même : entendez moi maintenant ou abandonnez pour toujours tout espoir de vivre librement. Que vous viviez à Rome, en Hispanie, en Gaule narbonnaise ou aux environs de Carthage, vous ne pourrez jamais plus dire : "Je suis libre".

Non, il n'y a aucune forme de folie en moi. Non, je ne cache pas le moins symptôme de paranoïa. La Constitution de la République a été violée. Nul n'avait le droit de s'imposer en chef d'état par la force. Nul militaire n'avait le droit de franchir le Rubicon, armé... qui est plus flanqué d'une légion composée de millier d'hommes. Et enfin, nul n'avait le droit de se faire nommé dictateur à vie. Aujourd'hui, Caius Julius Caesar est devenu Imperator Caius Julius Caesar Divus.

Ouvrez les yeux ! Voyez que dans ces tragiques évènements, le plus alarmant est que personne ne les conteste. Où est votre amour de la liberté, cet amour que Rome a voulu porter dans le monde entier ? Je me sentais autrefois fier d'appartenir à ce grand peuple, mais aujourd'hui, je ne sens plus rien... Aulus Cornelius est-il encore romain ? Oui, je suis né romain et je le resterai. Je suis romain ! Autrefois, je le disais... Que dis-je ? Je le criais. Désormais, je le chuchotte, tout bas, tout bas.

J'aime cet arbre de la liberté, qu'il soit un saule, ou n'importe quel autre arbre. Nous devrions tous l'aimer, à commencer par ceux qui en sont garant : le consul et le sénat. Hélas ! Ce sont justement eux qui le malmène. Des lois répréssives sont votées par le sénat, le dictateur à vie multiplie les atteintes au droit d'expression. On s'attaque aux branches de l'arbre, et bientôt au tronc, avant de le déraciner ! Une fois ce stade atteint, peut-être consentirez vous à verser quelques larmes sur sa dépouille. Il sera trop tard.

Je n'ai pas d'illusion, c'est une fatalité, mon combat est vain mais je garde mon honneur en le menant jusqu'à son terme, vers une défaite certaine. Le peuple aime les pouvoirs forts tant que ces derniers les flattent et leur disent ce qu'il veut entendre. On m'implore, on me dit : "Taisez vous, ou ils vous tueront !" Je ne cesserai de protester, je protesterai même pour tous ceux qui ne l'osent pas. Mon avenir ? Si j'avais été Athénien, on m'aurait fait boire la cigüe, comme on l'a fait pour Socrate. Mais je suis romain, ce sera donc le crucifix. Je vais mourir, qu'importe ! Quand la liberté est en danger, les morts se réveillent.

SPLEEN BUCOLIQUE

mercredi 14 janvier 2009

J'aime, tu aimes, il aime...

Elle te regarde.
Tu la dragues.
Elle te plait.
Tu l'aimes.
Vous sortez ensemble.
Vous vous fiancez.
Et vous vous mariez.
Elle tombe enceinte,
Plusieurs fois.
Vous avez des enfants.
Vous élevez vos deux gosses.
Vous vous lassez.
Et vous ne vous aimez plus.
Vous vous haïssez.
Vous divorcez.
Et tout recommence à zéro.

GAVROCHE