samedi 30 mai 2009

La chronique des condamnés, 7 août 1979, Paris : Impitoyable

Témoignage d'un individu de sexe féminin.
Ma chérie d'amour,

Cette journée que nous avons passé ensembles, à marcher sur les quais de la Seine m'est désormais inoubliable. Tu hantes mes pensées et chaque molécule qui compose mon corps. Inoubliable, c'est le mot car j'ai passé, à tes côtés, la plus belle journée de ma putain de nom de dieu de vie. J'ai constamment l'impression de sentir ton parfum dans l'air, de caresser ta peau plus douce que la soie ou la peau de pêche, de voir ton reflet dans des miroirs qui n'existent pas, d'entendre ta voix suave et mélodieuse dans le silence absolu... Par je ne sais quelle magie de ta connaissance, tu as mis à mal la fiabilité de mes sens. Tu me rends aveugle, sourd et muet. Muet, oui car si je peux parler, c'est uniquement de toi et de peur de ne pas entendre ce que je veux entendre, je n'ose le faire.
Parle moi. Accepte moi ou renie moi, mais ne me laisse pas sans réponse. Ce serait me condamner à une vie abominable, ce que, j'en suis persuadé, tu ne souhaites en aucun cas.

Louis.

Ah ah ! Louis, sombre crétin, pauvre imbécile qui a cru m'écrire une belle lettre d'amour et qui espère en recevoir une de la même facture ! Il s'est imaginé que je lui ferai l'honneur d'apporter une réponse à sa misérable lettre qui, d'ailleurs, reflète parfaitement le caractère de son auteur : insignifiant, naïf, banal. Louis est de ces individus qui n'ont aucune utilité, avec le suprême désavantage sur tous les autres d'être déficient intellectuel. Évidemment, je ne lui répondrai pas. Oh ! Son comportement est encore plus jouissif que je ne l'espérais. M'avouant de son propre chef qu'aucune réponse lui rendrait la vie insupportable, c'est trop tentant pour ne pas être tenter ! J'aurai bien du plaisir à me dire, chaque jour qu'il me sera donné d'illuminer le monde de ma présence, qu'un homme souffre le martyr grâce à moi et surtout à mon charme envoûtant. Enfin... peut-être daignerai-je y penser quelques jours encore, mais je ne prendrai pas la peine éternelle de focaliser, ne serait ce qu'une seconde, mon attention sur une telle aberration de la nature. Il a en plus l'ultime orgueil de prétendre connaître mes intentions. Non, je ne lui répondrai pas. Il vivra cette vie « abominable » qui semble tant l'effrayer. Je détruirai ainsi son coeur, de sorte qu'il n'aimera jamais plus personne et que l'amour lui sera désormais étranger jusqu'à sa mort que je souhaite tardive, pour que son malheur, son chagrin, sa détresse, sa souffrance dure le plus longtemps possible. Il n'aura ainsi plus l'audace de dire que « la vie est belle », la sublime preuve du contraire éclatant sous ses yeux.
Je veux qu'à chacune de ses rencontres avec un miroir, il voit l'être méprisable qu'il a toujours été. Je veux que son désespoir puisse se lire sur son visage, je veux qu'il y soit graver ! Je veux le savoir s'effondrer dans les lugubres entrailles de la douleur. Que son foie soit quotidiennement et éternellement rongé comme celui de Prométhée ! Que sa vie soit le pire des calvaires, qu'il emprunte le chemin qui mène de la tristesse à la morte lente et pénible. Que chacune des minutes qu'il vivra soit celles de la désolation. J'espère même qu'il en viendra à mentir à son propre esprit car c'est là le signe de la dégénérescence d'un homme et de la putréfaction de ses facultés. Je souhaite qu'il n'ait pas plus d'âme qu'en on les ectoplasmes. Je veux le traîner dans une vie décomposée, plus vaine que le néant. Je veux le voir se roidir, s'ancrer dans l'indigence et la pouillerie avant de sombrer dans une implacable perdition. Excrément de la terre, qu'il soit son propre bourreau ! Le mot est dit. Qu'il ne sois plus rien.
Et quand il ne m'intéressera plus de le voir se perdre, il me faudra recommencer avec un autre de ses pairs. Qu'il en soit ainsi pour tous ceux qui ont la tête dans le coeur ! Du sang sur mon seuil ? Je m'enorgueillis, je m'en vante et je me nourris de l'esprit à qui il appartenait. Que l'on me donne tous les moyens pour cette quête que je mène, juste pour le plaisir.

GAVROCHE

vendredi 29 mai 2009

Correspondance codée : George Sand - Alfred de Musset

Lettre de George Sand à Alfred de Musset :

Je suis très émue de vous dire que j'ai
bien compris l'autre soir que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
là une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à vous montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir aussi
vous dévoiler sans artifice mon âme
toute nue, venez me faire une visite.
Nous causerons en amis, franchement.
Je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l'affection
la plus profonde comme la plus étroite
en amitié, en un mot la meilleure preuve
dont vous puissiez rêver, puisque votre
âme est libre. Pensez que la solitude où j'ha-
bite est bien longue, bien dure et souvent
difficile. Ainsi en y songeant j'ai l'âme
grosse. Accourrez donc vite et venez me la
faire oublier par l'amour où je veux me
mettre.

Réponse d'Alfred de Musset à George Sand :

Quand je mets à vos pieds un éternel hommage
Voulez-vous qu'un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d'un coeur
Que pour vous adorer forma le Créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n'ose dire.
Avec soin, de mes vers lisez les premiers mots
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.

Réponse de George Sand à Alfred de Musset :

Cette insigne faveur que votre coeur réclame
Nuit à ma renommée et répugne mon âme.