mardi 26 janvier 2010

Maître Tartatruffe : Scène 1 (Première partie)

En Provence, dans la demeure du sieur Tartatruffe. 
TRIDOUILLE – Maître Tartatruffe ?
TARTATRUFFE – Oui monsieur mon valet, je suis là et il va me falloir vous conter les raisons qui m'ont poussé à réclamer votre détestable présence. Voyez-vous, il me plairait de vous voir cesser vos escobarderies rocambolesques. Peste, oui ! Ne me lorgnez pas ainsi, manant ! Vous n'avez de cesse d'importuner le stupide individu qui fait office de fils dans le fil de ma vie. Songez que malgré sa bêtise démesurée, il reste mon unique héritier - à qui donc je vais, hélas, devoir tout léguer...
À peine le dernier mot prononcé, Tartruffe s'écroule devant Tridouille, hilare.
Triple buse ! Cela vous fait rire ?
TRIDOUILLE, pouffant – Non !
TARTATRUFFE – Eh bien vous avez pourtant ri !
TRIDOUILLE – Mais non...
TARTATRUFFE – Il suffit. En quelques mots, je ne vous y oblige plus : tuez-le. Euh... pardon je veux dire huez-le. Cependant, ce n'est toujours pas une raison suffisante pour briser l'oreille du temple qu'il a récemment bâti. Cet immondice en forme de bestiole exotique. C'est trop laid pour mon parc. Allez-y, dégagez-moi la vue.
TRIDOUILLE – Euh... En fait... Voilà justement où je voulais en venir, Monsieur. L'affaire que vous me proposez là...
TARTATRUFFE, secouant la tête – Non : l'affaire que je vous impose là.
TRIDOUILLE – Soit. L'affaire que m'imposez là me parait bien rude. En effet, comment voulez-vous que je lui casse cette oreille avec le vieux bout de parchemin que vous m'avez refilé ?
TARTATRUFFE – Eh bien... il est vrai que ce n'est pas vraiment efficace. Mais plongez dans les bribes de souvenirs qu'il vous reste... c'est vous qui avez fait ce choix.
TRIDOUILLE – Certes, mais vous conviendrez que le choix était des plus limités : entre des touffes de poils de chat et un parchemin, la besogne me paraissait plus ardue avec la première option pour ainsi dire. Je me suis dit qu'avec un peu de chance, le parchemin aurait peut-être un côté tranchant tandis que les poils de chat...
Tartatruffe l'interrompt pour la seconde fois.
TARTATRUFFE – Il suffit. Vos jactances me déplaisent Allez donc ovationner les latrines, elles aiment ça.
Tridouille sort en faisant la moue tandis qu'entre Foutreille.
Ah vous voilà donc. Comment se porte le salpêtre ? L'avez-vous arrosé ?
FOUTREILLE – Arrosé ? Mais avec quoi ?
TARTATRUFFE – À votre avis ? Avec quoi arrose-t-on le salpêtre ?
FOUTREILLE – Bon sang, je n'en sais fichtre rien !
TARTATRUFFE – Bougre de vaurien, allez donc boire autant de chopine de bière qu'il vous en faudra pour uriner. Vous aurez une certaine idée de l'arrosage du salpêtre.
FOUTREILLLE – Oh non, demandez à quelqu'un d'autre, s'il vous plait ! C'est vraiment merdique ce que vous me dites là...
TARTATRUFFE – Non, ce sera vous, un point c'est tout.
FOUTREILLE – Mais enfin, pourquoi moi ?
TARTATRUFFE, sadique – Parce que cela m'amuse. Bon, à présent, répondez. Comment se porte le salpêtre ?
FOUTREILLE, hausse les épaules – Bof, aucune idée. En vérité... je ne l'ai guère vu. Ou peut-être que je ne m'en souviens plus : ma tête sans chapeau a maladroitement percuté un menhir hier.
TARTATRUFFE – Diable ! Je ne savais pas que des menhirs existaient dans la région. Et il n'y avait aucune mélodie dans le jardin... qu'en a-t-elle dit ?
FOUTREILLE, perdu – Qui donc ?
TARTATRUFFE – La coloquinte au sommet de votre corps difforme.
Foutreille parait quelque peu vexé par les propos émis par Tartatruffe.
FOUTREILLE – Mais, elle a simplement dit : "Aïe ! Ouille !" Enfin... revenons à nos dindons.
TARTATRUFFE – Nos moutons. On dit "revenons à nos moutons".
FOUTREILLE – Qu'est-ce que... euh... bref.
TARTATRUFFE – Passons pour le salpêtre. Venons en aux ruches. Le miel ?
FOUTREILLE – Oh ! À merveille sa forme demeure. Toutefois, je me demande si le fait d'y introduire une dose d'arsenic était une bonne idée. Le garde-champêtre a goutté le miel avant-hier, et il n'a pas pu me cacher qu'il avait un arrière-goût désagréable. C'est d'ailleurs étrange : je ne l'ai toujours pas revu depuis... Bah ! Il est costaud.
TARTATRUFFE – Ah... que ce cuistre aille au diable. Lui et son rejeton m'ennuie chaque jour depuis des semaines. 
GAVROCHE