dimanche 30 mai 2010

Maître Tartatruffe : Scène 2 (Première partie)

TARTATRUFFE – Entrez, ma chère, entrez.
Harfoise entre.
HARFOISE – Merci mon ami de m'accueillir en votre magnifique demeure.
TARTATRUFFE – Bah. Ce n'est que la plus simple des politesses lorsque l'on n'a pas été élevé dans une basse-cour.
HARFOISE – Tenez - je ne puis m'empêcher de vous en faire part, au risque de passer pour une volaille ou une cochonne - je sens ici comme un relent de poisson gâté ou une effluve de fonds de rivières. Pardonnez-moi, je ne veux surtout pas vous vexer, mais il me semble qu'il est plus honnête et surtout, moins hypocrite, de vous en avertir.
TARTATRUFFE – Oh, mais je ne suis aucunement vexé ma très chère. Maintenant que je m'en souviens, ce stupide individu de Foutreille a quitté cette pièce il y peu de temps. Il sent toujours le poisson, le moisi, les détritus, les rognures, les déjections, les raclures, les déchets, les...
BALDARD – Mais pas du tout monsieur ! Il s'est lavé ce matin, comme tous vos serviteurs.
TARTATRUFFE, sceptique – Ah oui ? Eh bien il faut croire, qu'en son cas, la pourriture soit indécrottable.
BALDARD – C'est peu probable. En revanche, je dois rappeler à monsieur que monsieur est allé, ce matin, pêcher dans les eaux du Gardon.
TARTATRUFFE – Mais je... Enfin, vous oubliez que, pour mon plus grand malheur, je suis revenu les mains vides ! (Plus agressif) Et puis depuis quand...
BALDARD, lui coupant la parole – J'essaye simplement d'aider monsieur. Je me dois également de dire que monsieur est, certes, rentré bredouille de la pêche, mais qu'il oublie toutefois de préciser que sa barque a malencontreusement chaviré et que monsieur est, par conséquent, tombé à l'eau. Qui plus est, ces satanées eaux étant marécageuses, monsieur en est ressorti couvert de vase de la tête aux pieds.
Tartatruffe botte les fesses de Baldard en lui tirant l'oreille et le pousse vers la porte.
TARTATRUFFE, scandalisé – C'en est trop, sors d'ici sale racaille ! Menteur ! Vaurien ! Homme de sac et de corde ! Scélérat ! Gibier de potence !
HARFOISE – Mon dieu, ce que dit cet homme ne peut tout de même pas être vrai ?
TARTATRUFFE, essoufflé – En aucun cas, ma chère ! Ce fripon est le plus malhonnête de tous mes serviteurs. Il n'a pas osé avouer devant vous qu'il avait en réalité glissé sur une pierre avant de basculer, tête la première, dans 4 ou 5 pieds de vase. Je le ferai rosser jusqu'au sang. D'ailleurs, sentez : l'odeur a disparu avec lui, n'est-ce pas ?
HARFOISE, perplexe – Non. C'est curieux, cela persiste. Êtes-vous certain de ne pas avoir mis le pied dans... Je ne sais quoi  ?...
TARTATRUFFE, agacé – Mais enfin, bien sûr que non ! Je vous jure que je n'ai mis le pied nul part et que je ne suis pas tombé à l'eau. Et si l'odeur persiste, c'est que cette andouille de Baldard a sans doute embaumé toute la pièce de sa puanteur.
HARFOISE, dubitative – Oui, peut-être.
 Foutreille entre.
TARTATRUFFE, hilare – Ah ! Ma chère Harfoise, ne cherchez plus d'où viens cette terrible odeur. Je vous présente Foutreille : grand amateur de colombine et autres matières fécales animalières !
Foutreille est cramoisi.
HARFOISE – Oh, le méchant crasseux !
GAVROCHE