samedi 11 octobre 2008

La chronique des condamnés, 25 juin 1977, New-York City (U.S.A) : le fruit du plaisir.

Témoignage d'un individu de sexe féminin.

Mon cher et tendre Alan,

Tu ne me répond toujours pas et pourtant je t'écris encore, cette lettre de plus le prouvant. Je me doute bien qu'à l'heure actuelle, après tout ce temps, tu ne penses plus du tout à moi. Peut-être même que ta mémoire est incapable de grossièrement reconstituer les traits de mon visage. Je m'y résigne, sans haine ou mépris. Je m'intéresse au passé avec, certes, un peu d'amertume, mais aussi beaucoup de plaisir... Moi, je pense encore à toi... à chaque instant qui passe, et je n'ai pas vraiment honte de te l'avouer dans cette énième lettre à laquelle tu ne répondras probablement pas. En fait, j'essaye de me soigner en t'écrivant toutes ses lettres bien que je sois sûrement condamnée à la folie. Se débarrasser de la nausée en écrivant, c'est ce que je tente de faire... avec plus ou moins de succès depuis deux longues années qui me semble deux siècles. Mes phrases sont mièvres et je te parais complètement stupide, n'est-ce pas ? C'est certainement pour cela que tu ne me répond jamais.

Non, plus de mots vides de sens : je ne peux décidément pas oublier ce mois fantasque que nous avons tous deux vécus. J'aurais évidemment aimé que ce mois soit une année, voire même une décennie.Mais ce que nous avons vécu a été lourdement blâmé, à tort ou à raison, selon les consciences. Moi-même, je ne sais comment réagir. Je suis tantôt hostile et tantôt amoureuse de ce passé. En tout cas, je ne cesse jamais d'y penser.

En effet, je pense toujours à cette jeunesse pas si lointaine où nous avons eu nos fameuses aventures sexuelles prémaritales. Je n'avais que dix-sept ans et je passais la quasi-totalité de mon temps libre dans ton grand appartement où nous copulions plusieurs longues fois par jour. Dans ta chambre, dans la salle de bain, dans la cuisine, et quelques fois même sur ton balcon, à la nuit tombée, où nous savions, sans jamais ne nous l'être avoué, que de jeunes adolescents jetaient des regards indiscrets et dévoraient des yeux le petit ballet que nous leur offrions. Ai-je dormi plus de quatre heures par nuit durant ce fameux mois ? Non, je ne le crois pas. Que de souvenirs, oui, je me souviens de tout, de ton corps, qu'il m'arrive de peindre de temps à autre, des paroles affriolantes que tu me lançais quand nous le faisions. C'était agréable, mais je n'aimais tant tes sarcasmes que la jouissances de tes orgasmes. Je tendais ma croupe, je voulais tout te donner, tout te prendre. Je me souviens de ces moments. Mes lèvres se gonflaient sous les furieux assauts du contentement croissant que tu m'offrais. Comment pourrais-je oublier tes caresses et tes baisers brûlant ? Que ces mots que tu seras le seul à lire ne te choque pas, ils sont l'interprétation de l'amour que j'ai eu pour toi. Nous contentions nos myriades de caprices nocturnes. Nous pratiquions la sodomie de temps en temps - je me souviens de ces coups de butoirs que tu m'infligeais pour mon plus grand plaisir - et l'onanisme un peu plus souvent... mais probablement pas assez.

Hélas, tant passionnés que nous étions, nous avons été trop gourmand, trop sybarite, trop avide des bonnes choses. Je finissais par ne plus aller en cours, trop désireuse de toi, en permanence. Et, fatalement, l'administration du lycée ne se priva d'en avertir mes parents qui usèrent de tous leurs moyens pour comprendre ce que je faisais. Ils n'eurent heureusement jamais vent de notre aventure, mais ils ont en tout cas si bien compris que le problème était à San Francisco que nous avons quitté la côte ouest pour vivre à New-York. Mes parents ont les moyens pour toutes ces choses là... Ainsi cette sorte de rêve a pris fin, du jour au lendemain. Je ne sais d'ailleurs toujours pas si tu as déménagé. Peu importe, je n'ai de toute façon qu'une adresse pour t'écrire.

Au mois prochain.

P.S : Sean se porte bien, il aura bientôt deux ans.

Ellen.

SPLEEN BUCOLIQUE